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LE MONDE | 24.06.03 | 13h49 MIS A JOUR LE 24.06.03 | 15h50
Le tribunal administratif a reconnu la maîtrise et le DEA de l'historien. Lyon-II et Lyon-III les avaient annulés dix ans après leur obtention, alors qu'elles ne disposaient que de quatre mois pour le faire Lyon de notre correspondante
La décision a été notifiée aux avocats le jour du 60e anniversaire de l'arrestation de Jean Moulin : Jean Plantin est de nouveau un universitaire reconnu. "La honte est retombée sur Lyon", s'est insurgé le cercle Marc Bloch, association de lutte contre le négationnisme.
Alors que les universités lyonnaises croyaient, depuis deux ans, avoir purgé le cas de Jean Plantin, il vient d'obtenir du tribunal administratif de Lyon de recouvrer ses diplômes.
Cet historien de 37 ans, titulaire d'un DEA et d'une maîtrise d'histoire, obtenus à Lyon-II et Lyon-III sur des travaux clairement négationnistes, avait fini par être démasqué. Sous la pression des associations étudiantes et antiracistes, les deux universités lyonnaises, après des mois de tergiversations, avaient fini par annuler, le 7 décembre 2000 et le 6 juillet 2001, ses diplômes, dix ans après leur obtention.
Le président de Lyon-II de l'époque, Bruno Gelas, avait profité d'une irrégularité, l'absence d'un membre du jury, pour invalider le DEA. Le président de Lyon-III, Gilles Guyot, s'était, quant à lui, résolu à reconvoquer le jury de maîtrise qui avait requalifié sa mention "très bien" en "inacceptable".
Parallèlement, la justice lyonnaise avait sanctionné les activités d'éditeur de textes négationnistes de Jean Plantin, en le condamnant à deux reprises à six mois de prison avec sursis, une mesure transformée en peine d'emprisonnement ferme le 23 janvier dernier par le TGI de Lyon.
Saisi par Jean Plantin, les magistrats du tribunal administratif de Lyon ont suivi les conclusions du commissaire du gouvernement, Michel Puravet. Lors de l'audience le 3 juin, celui-ci avait fait valoir, conformément à une jurisprudence du Conseil d'Etat, qu'une administration ne peut retirer une décision créatrice de droit (comme un diplôme) au-delà d'un délai de quatre mois après sa ratification. Jean Plantin se retrouve donc à nouveau titulaire d'un DEA consacré aux "épidémies de typhus dans les camps de concentration nazis entre 1933 et 1945" et d'une maîtrise sur le Français Paul Rassinier, dont le caractère négationniste a été clairement démontrée par les universitaires.
Ce rebondissement de l'affaire Plantin pourrait à nouveau ternir la réputation des universités lyonnaises, et notamment de Lyon-III, qui avait retrouvé un certain apaisement depuis le départ à la retraite du président Gilles Guyot, accusé par les étudiants d'avoir laissé un terreau favorable aux négationnistes.
LA COMMISSION ROUSSO
Universitaires et étudiants attendaient le rapport de la commission dirigée par l'historien Henri Rousso, mise en place par l'ancien ministre de l'éducation nationale Jack Lang, pour "faire la lumière sur le racisme et le négationnisme qui ont pu trouver leur expression au sein de Lyon-III".
Robert Faurisson, le chef de file des négationnistes français, ancien maître de conférence à Lyon-II dans les années 70 et très proche de Jean Plantin, s'est félicité de ce jugement qui intervient alors que la cour d'appel doit se prononcer mercredi 25 juin sur l'appel formé par Jean Plantin contre la décision du tribunal de Lyon le 23 janvier 2003 de révoquer son sursis. L'éditeur, qui diffuse revues et ouvrages négationnistes malgré une interdiction d'éditer, est menacé de six mois d'emprisonnement ferme, une première en France.
Sophie Landrin
ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 25.06.03
LEMONDE.FR | 25.06.03 | 18h56 MIS A JOUR LE 25.06.03 | 20h06
Cette condamnation fait figure de première en France, où aucune peine de prison ferme n'avait été prononcée à l'encontre d'un négationniste.
La cour d'appel de Lyon a condamné, mercredi 25 juin, l'universitaire négationniste Jean Plantin à six mois d'emprisonnement pour avoir poursuivi son activité d'éditeur malgré une interdiction et deux condamnations "pour contestation de crime contre l'humanité" en 1999. La cour a maintenu la révocation du sursis des deux condamnations précédentes, prononcées le 22 janvier 2003 par le tribunal correctionnel de Lyon.
"Pour la première fois en France, un négationniste est condamné à de la prison ferme. C'est la réponse que l'on attendait", s'est félicité Gérard Panczer, au nom du Cercle Marc-Bloch, l'une des associations ayant mené la bataille judiciaire contre l'universitaire. L'avocat de Jean Plantin, Me Eric Delcroix, a annoncé qu'il allait se pourvoir en cassation et qu'il espérait "que le parquet général ne (ferait) pas appliquer le jugement tant que la décision de la Cour de cassation ne (serait) pas connue".
En mai et octobre 1999, Jean Plantin, éditeur de la revue Akribeia, avait été condamné à six mois de prison avec sursis et à des peines d'amende pour ses écrits, peines confirmées en appel. Il était poursuivi pour contestation de crimes contre l'humanité dans le numéro 4 de sa revue mais aussi, s'agissant des trois premiers numéros, pour infraction à la loi de 1949 sur les publications dangereuses pour la jeunesse. La cour d'appel avait en outre ordonné une mise à l'épreuve de trois ans durant laquelle l'activité d'éditeur lui était interdite. Fin 2001, SOS-Racisme et la Licra, affirmant que Jean Plantin poursuivait ses publications et ne les avait pas indemnisées, avaient saisi le juge d'application des peines pour réclamer la révocation du sursis. L'éditeur avait fait appel.
JUSTICE "À GÉOMÉTRIE VARIABLE"
A l'annonce de la décision de la cour d'appel de Lyon, SOS-Racisme et l'association Hippocampe, qui regroupe des étudiants de Lyon-III opposés aux thèses révisionnistes, se sont félicitées de cette condamnation, tout en émettant des réserves. Pour Laure Thoral, présidente d'Hippocampe, "c'est l'application de la loi : (Jean Plantin) a recommencé à commettre une infraction". Se déclarant agacée par "les petits jeux de procédure plus ou moins glorieux" de Jean Plantin, elle a estimé que "le plus important, c'est le symbole de la condamnation". Pour Renaud Moisson, porte-parole de SOS-Racisme à Lyon, "la condamnation prouve que l'on ne peut pas agir impunément dans ce domaine". Mais, a-t-il dit, "la justice lyonnaise est à géométrie variable puiqu'elle vient récemment de lui revalider deux diplômes universitaires annulés il y a dix ans".
Le 17 juin, le tribunal administratif de Lyon a en effet donné droit à la requête de Jean Plantin, qui dénonçait l'annulation en 2000 et 2001 par les universités Lyon-II et Lyon-III de son diplôme d'études approfondies (DEA) et de sa maîtrise d'histoire. La maîtrise d'histoire obtenue en 1990 portait sur le révisionniste français Paul Rassinier. Pour le DEA, qui traitait de la "Recherche sur le phénomène épidémique (typhus) dans les camps de concentration allemands", obtenu en 1991 puis annulé le 7 décembre 2000, l'ancien président de Lyon-II, Bruno Gelas, avait estimé que le diplôme était entaché d'irrégularité, seuls deux des trois membres du jury ayant participé à la soutenance.
Avec AFP
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